Chaussures de football RENCONTRE – L’ancienne escrimeuse Florence Hardouin a restructuré la Fédération française de football. En fine lame, la n° 2 de Noël Le Graët impose sa logique d’entreprise sans chercher la lumière. « Voilà, cachée, c’est bien. » Le supplice de la séance terminé, Florence Hardouin jette un œil à la production du photographe. Les clichés sur lesquels elle se dissimule ont ses faveurs. Elle sourit pour faire passer le message mais ses yeux supplient. Mal à l’aise avec son corps et l’image qu’il lui renvoie, mal à l’aise d’être ainsi mise en avant. Il y a de quoi être troublé par tant d’affliction non feinte. Cette femme à l’élégance déliée diffuse pourtant une autorité naturelle qui colle avec son CV de cadre supérieure et ses fonctions de directrice générale de la plus grande institution sportive du pays (2,1 millions de licenciés, 272 salariés et 220 millions d’euros de budget).

De l’escrime au football

Le lifting post-Knysna de la Fédération française de maillot Allemagne football (FFF), c’est elle. La voix de la France à l’UEFA, le gouvernement européen du ballon rond, aussi. « C’est grâce à Noël Le Graët », rectifie-t-elle, tout en déférence espiègle envers un président qui lui brode « la taille patron ». Florence Hardouin, 50 ans, comprend l’intérêt qu’elle suscite, pas celui de se raconter. Autour d’une table italienne à quelques pas du siège de la 3F, elle attaque pourtant par un hors-d’œuvre intime : la timidité « presque maladive » et ce complexe de taille qui fait qu’elle ne mettra « jamais de chaussures à talons ». A 13 ans, elle mesurait déjà 1,80 m, héritage de ses origines néerlandaises côté maternel. A l’âge des boums et des petites cruautés, ce corps encombrant a troublé une vie paisible dans le Val-de-Marne. Sa « honte ». C’est d’abord parce qu’on ne la voyait pas sous sa tenue et son masque qu’elle a embrassé l’escrime. « Plus de blagues sur ma taille, j’étais normale. Mon envergure est même devenue un atout. » Au début, elle s’estimait « nulle ». Evidemment, elle ne l’était pas. Sept ans en équipe de France (1989-1996), un titre de vice-championne du monde (par équipes en 1991) et le regret de ne pas avoir été sélectionnée pour les JO d’Atlanta (1996). « Elle avait du talent et un fichu caractère. Elle aime la gagne, c’est une bosseuse. Ce qui transparaît aussi dans sa carrière professionnelle », pointe la championne olympique d’épée par équipes Valérie Barlois-Leroux, une amie de longue date. Cette dernière l’a fait entrer chez Bouygues en 1995. Son premier poste, son tremplin. Responsable des « espaces accueil » d’un Stade de France en pleine construction, elle monnaye maillot Barcelone les visites du chantier, facturées 100 francs l’entrée. Elle qui s’était envisagée pharmacienne comme son père et son grand-père (elle a un bac pro F7) ou prof de gym (elle a raté le Capes à l’oral) avant de bifurquer vers une maîtrise en économie et gestion à Paris-Dauphine trace sa voie dans le marketing et le développement commercial. Le foot, dans tout ça? Un monde lointain, objet de plaisanteries avec ses camarades de l’Insep, le centre du sport de haut niveau. Une force d’attraction constante dans son parcours, avant même ses débuts au Stade de France. « Elle trouve les gens avec qui elle a un bon feeling. Mais s’il n’y a pas d’harmonie, c’est difficile pour vous » En Italie, où elle a passé trois ans au club d’escrime de Rome, elle donnait des cours de français entre autres petits boulots. Parmi ses élèves : le président de la ligue italienne de foot. Chez Canal ­Numedia (2000-2002), elle s’occupait du site zidane.fr. Chez SFR (2002-2008), elle était en affaires avec la Ligue (LFP) et la Fédération. Où elle a donc mis les pieds en 2008. Son expérience de directrice marketing a failli tourner court à la découverte d’un contrat d’externalisation de cette activité avec la société Sportfive. A peine arrivée, Florence ­Hardoin signifie son départ à Noël Le Graët, alors chargé des dossiers économiques. « On est pieds et poings liés, pas de développement possible », dit-elle. « Je vous attendais pour le casser », répond-il. Le début d’une collaboration musclée pour moderniser une institution plongée dans le formol. Cela ne s’est pas fait sans heurts. La fine lame a vécu de l’intérieur « le cauchemar » du Mondial 2010 en Afrique du Sud et ses effets désastreux sur des sponsors qu’il a fallu soigner. Nommée directrice générale en 2013, elle a restructuré, rationalisé. Tant pis pour ceux qui n’entraient pas dans le moule… Logique d’entreprise, méthode bulldozer, image de dame de fer. « Quand elle part sur un projet, c’est bille en tête », note Nadine Zaramella-Nocent, une copine d’enfance, DRH comme le mari de Florence Hardouin. Une fois qu’elle a « créé son monde », poursuit son amie, elle devient « une maman gâteau » : « Elle trouve les gens avec qui elle a un bon feeling. Mais s’il n’y a pas d’harmonie, c’est difficile pour vous. » Elle aime ou elle n’aime pas. On l’aime ou on ne l’aime pas.